Les
armoiries sont, pour reprendre la définition proposée
par Rémi Mathieu, des emblèmes en couleurs,
propres à une famille, une communauté ou plus rarement,
à un individu, et soumis dans leur disposition et dans
leur forme à des règles précises qui sont
celles du blason. Certains caractères distinguent nettement
les armoiries du Moyen Age des emblèmes préexistants.
Servant le plus souvent de signes distinctifs à des familles,
à des groupes de personnes unies par les liens du sang,
elles sont en général héréditaires.
Les couleurs dont elles peuvent être peintes nexistent
quen nombre limité. Enfin, elles sont presque toujours
représentées sur un écu.
La
science héraldique, pourtant riche denseignement
en termes de sémiologie sur la mentalité, la sensibilité,
les goûts et les croyances tant collectifs quindividuels
des hommes du Moyen Age, fut longtemps une discipline laissée
en jachère par les historiens de la période médiévale.
Il nexiste dailleurs en France aucun enseignement
héraldique régulier, si ce nest une initiation
à létude des armoiries dispensée tous
les trois ans sous forme de conférences à lEcole
des chartes de Paris. Les institutions françaises, toujours
influencées par le préjugé révolutionnaire,
ont longtemps réduit létude des armoiries
au cercle étroit de lhistoire généalogique
nobiliaire. Les héraldistes pour leur part ont trop souvent
théorisé leur discipline, lorsquils ne versèrent
pas dans lésotérisme. Peu ont su élaborer
des règles critiques et des principes danalyse de
la réalité armoriale pouvant donner naissance à
une héraldique scientifique, véritable auxiliaire
de larchéologie et de lhistoire médiévale.
Depuis
quelques décennies, la situation sest éclaircie.
Le grand public, au détour de recherches généalogiques,
a pu découvrir des armoiries suscitant son intérêt.
Les chercheurs ont peu à peu abandonné leurs préjugés
et de nombreuses thèses sont consacrées de façon
directe ou indirecte à la science héraldique. La
richesse armoriale est enfin exploitée par les historiens
médiévaux, leur offrant plusieurs domaines de recherche.
Les armoiries sont des signes à la fois sociaux et individuels
que lhomme médiéval se choisit à un
moment donné ; ils peuvent être changés ou
conservés en fonction dun événement
social précis ou par simple volonté. Ainsi, létude
des armoiries donne à lhistorien une quantité
variée dinformations sur la psychologie individuelle
et collective des hommes du Moyen Age. Elle le renseigne sur certains
usages juridiques de la société et, par recoupement
des sources manuscrites et armoriales, donne une précision
chronologique sur certains événements ainsi quune
datation précise des objets ou des bâtiments armoriés.
Léclatement
des barrières au sein des sciences humaines, et le développement
de lanthropologie et de la sémiologie, ont permis
à la discipline héraldique de renouveler ses méthodes
et ses champs dinvestigation, la posant comme science auxiliaire
incontournable de lhistoire et de larchéologie
médiévale. Cette renaissance est due en grande partie
à la vision et au travail héraldique de Michel Pastoureau.
Titulaire à la Sorbonne de la chaire dhistoire de
la symbolique occidentale, celui-ci fait autorité en la
matière. En plus des résultat de ses recherches,
il a publié quelques titres à lattention du
grand public.
Il est
intéressant de noter le parallèle existant entre
le noyau dur des pays de lUnion européenne et les
pays dhéraldique classique. De même, la cartographie
de lélargissement de lUnion correspond assez
bien à celle du rayonnement héraldique. La corrélation
entre le vieux fait héraldique et lUnion européenne
nest pas un hasard, elle manifeste limportance de
la période médiévale dans la construction
de lidentité européenne.
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